Interview du 13/04/2022 monsieur Philippe Kerninon, Adjoint au maire de la commune d'Alvignac les eaux (Lot)
T&T: Pouvez-vous vous présenter ? Quelle est votre fonction, votre rôle au sein de la commune, vos responsabilités et depuis combien de temps êtes-vous élu ?
PK : Bonjour, je m’appelle Philippe Kerninon, je suis sur mon 3ème mandat, tout comme le maire d’ailleurs. Je suis natif de la commune et tout ce qui est associatif m‘a toujours intéressé, c’est comme ça que je suis venu à me présenter comme conseiller municipal. Je m’occupe en particulier de tout ce qui est développement durable sur la commune, je m’occupe également des écoles et je suis président du SIVU scolaire (syndicat intercommunal à vocation unique).
Alvignac est une commune d’à peu près 750 habitants qui se trouve à 1h au nord-est de Cahors et 45 minutes au sud-est de Brive la Gaillarde en Occitanie.
En 2014 nous nous sommes rapprochés d’une association qui s’appelle « Notre Village » et avec elle nous avons créé un agenda 21, ainsi, nous avons fait une première labellisation de 2014 à 2017 et nous avons mis en place une cinquantaine d’actions qui se sont bien passées. On a travaillé avec les habitants du village car ce n’est pas un travail mené uniquement par les élus. Tous les deux ou trois mois nous organisons une réunion publique, et des personnes du village sont portées volontaires, pour travailler dans ce groupe. Au final nous étions à peu près une trentaine et chacun a proposé des idées d’action qu’il souhaiterait mettre en place sur la commune. C’était très variable et ça allait de gros projets comme la construction d’une salle des fêtes à des projets plus petits comme donner deux poules aux habitants qui souhaitait installer un poulailler chez eux. Cette dernière initiative permet d’avoir des œufs frais d’un côté, mais aussi et surtout les poules consomment les ordures ménagères, c’est à dire tous les déchets de table, ce qui réduit le gaspillage, tout en faisant faire des économies à la commune, car moins de déchets à collecter .
Cela s’est tellement bien passé que nous avons reconduit la démarche et nous avons fait une seconde labellisation de 2019 à 2022. Elle se termine à la fin de l’année et nous avons eu autant d’actions que la fois précédente, soit une cinquantaine. Dans ces actions nous y retrouvons les valeurs du développement durable : il y a le lien social ; le développement économique local et puis la protection de l’environnement.
T&T : Selon vous il y a-t-il un rapport entre territoire et alimentation, il y a-t-il une relation entre ses deux domaines si oui de quelle nature ? Stratégique ? Anecdotique ?
PK: Dans notre projet de développement durable on a eu une action qui portait sur les repas à la cantine de l’école (entre-temps le gouvernement a mis en place un repas végétarien obligatoire par semaine) et on travaille avec un fournisseur qui est proche d’Alvignac- C’est à Rocamadour exactement à l’ITE du Pech de Gourbière ,c’est un institut qui travaille notamment avec des personnes handicapées qui fabriquent des repas, qui font aussi la blanchisserie et des travaux paysagistes. Nous avons travaillé avec eux de manière à ce qu’ils nous proposent des repas végétariens ce qui est assez compliqué en fait car au départ cela part d’une très bonne idée mais quand cela arrive dans l’assiette il y a beaucoup d’enfants qui sont très réticents parce qu’ à la maison on ne mange pas forcément végétarien et voilà toute la difficulté. J’essaye de temps en temps de récupérer le repas végétarien pour le goûter suite à des retours de parents d’élèves qui nous disent “mon enfant n’a rien mangé à midi, ce n’était pas bon” alors qu’en fait, pas du tout c’était délicieux, le seul problème c’est que c’est une question d’habitudes. Il y a quinze jours nous avons fait un questionnaire sur les trois cantines de notre rpi( regroupement pédagogique intercommunal) pour savoir quels points étaient bloquants. Nous en avons conclu que c’était en grande partie les repas végétariens. Nous travaillons avec notre fournisseur pour trouver des solutions, il va essayer de corriger certaines choses de manière à ce qu’il y ait moins de déchets, de gaspillage et puis il va essayer aussi de faire venir un cuisinier à la cantine pour qu’il explique aux enfants “ le pourquoi du comment”, comment c’est préparé, pourquoi c’est comme ça. De plus, nous travaillons ensemble pour intégrer au maximum des produits bio et locaux dans les repas.
T&T : Quelle importance accordez- vous à l’alimentation dans la commune ? Je ne parle pas que de l’alimentation en tant que “repas” mais vraiment de l’amont vers l’aval, de la production à la commercialisation.
PK : Il s’agit vraiment d’un point important (je reviens toujours sur ce projet de développement durable) une idée a surgi de créer un marché local. Ce qui a été fait. La commune a racheté un terrain en plein centre du village et sur ce terrain a été créé une petite place qu’il a fallu creuser et aménager. Le marché s’y tient de début juin à fin septembre tous les dimanches matin mais on voulait aussi des produits locaux, donc ce sont des producteurs du coin, on prône vraiment le circuit très court, et proche.
Ce marché est mis en place pour la période estivale. Cependant, nous avons réhabilité un petit bâtiment qui s’est transformé en magasin appelé “ Pépites” où s’est installé un couple qui vend du fromage, du vin et bien d’autres produits locaux ( ou pas) mais venant de productions artisanales. L’hiver le dimanche matin ils organisent un mini marché avec certains exposants qui viennent l’été.
T&T : Alvignac est un village touristique, donc très saisonnier. Ma question concerne les habitants à l’année. Au-delà du petit marché du dimanche dont vous nous avez parlé, trouvent-t-ils d’autres commerces de proximité hors saison estivale ? Ou en sont-ils dépourvus ?
PK : Il y a quand même une petite offre locale en matière alimentaire et même à l’année, il y a une boucherie, une petite supérette où il y a fruits et légumes etc.
T&T : Il y a-t-il un projet en particulier dont vous souhaiteriez parler, nous dire quels ont été les freins par exemple ?
PK: Au niveau des projets nous sommes quand même assez content parce que tout ce qui a été mis en place avance, nous n’avons pas eu à les stopper. Concernant les 50 actions par exemple, l’avantage de ce projet c’est que les réunions publiques ont permis à chacun de présenter ses idées. Sur les cinquante actions il y en a une quarantaine qui ont été proposées par les habitants, ce qui fait que chacun s’approprie un peu son idée et ce ne sont pas que les élus qui parlent des actions aux autres habitants ; ce sont des habitants qui le font. Cela permet aux habitants de se sentir complètement inclus dans la vie du village, d’être écoutés. D’un autre côté c’est très bien pour la vie municipale, parce que lors de ces réunions on parle de notre projet de développement durable mais aussi de plein d’autres choses et donc du coup des sujets qui remontent et dont élus n’auraient pas forcément pris connaissance autrement, ce qui nous rapproche encore plus des habitants. Le débat n’est pas politique, on travaille pour le bien commun des habitants de la commune.
Dans mon cas, par exemple, je suis élu, mais je travaille à temps plein ailleurs. Je sais ce que c’est que de travailler dans le coin, les gens me connaissent. Il y a, par exemple, des gens qui m’appellent parce qu’il y a une vache à trois heures du matin sur la route. Ce n’est pas la même chose d’être élu d’une petite commune comme Alvignac que dans une ville plus grande. Nous avons la proximité en plus.
T&T : Cette période que nous vivons, et avons vécu ces deux dernières années dû au COVID, a-elle eu un impact sur le tourisme, en général, la restauration en particulier ?
PK : Oui, mais je n’ai pas de chiffres à vous apporter à ce jour, mais oui, il y a des restaurateurs qui ont été fermés assez longtemps donc ça a été compliqué oui, mais tout est reparti.
T&T : Avez-vous d’autres projets dont vous souhaiteriez nous faire part ?
PK : Oui, nous avons créé un verger communal où il y a à peu près une centaine d’arbres fruitiers et où les habitants du village peuvent aller se servir gratuitement quand les fruits sont mûrs. Nous avons aussi créé l’oasis des abeilles avec une petite association locale qui s’appelle “Bergers d’abeilles”. deux ou trois ruches y sont installées et un petit écosystème s’y est créé pour que les abeilles se sentent bien à cet endroit-là. Nous souhaiterions faire d’Alvignac un village où les abeilles seraient mises en valeur, protégées et sauvegardées. C’est un travail en cours.
Donc, il y a le verger communal, il y a l’oasis des abeilles et suite au COVID nous avons créé aussi un parcours de santé pour que les personnes puissent profiter du grand air. On essaie de faire beaucoup d’actions en faveur de l’environnement, on distribue des graines mellifères afin que les gens puissent semer ces graines chez eux. On communique énormément sur nos actions. Tous les 2 mois nous imprimons un petit bulletin distribué dans les boîtes aux lettres du village et en ligne sur le site de la commune, où l’on parle vraiment de toutes nos actions.
Nous avons aussi des Food truck qui viennent quatre jours par semaine le soir, hiver comme été.
T&T : Pouvez-vous nous parler des prochains projets ?
PK : Nous allons relancer le projet Agenda 2030 qui se termine fin 2022, j’aimerai qu’on le renouvèle pour 3 ans. Nous allons finaliser les projets en cours et continuer de travailler pour faire d’Alvignac un village pilote en matière de protection des abeilles et des insectes pollinisateurs.